Être retraité ne diminue pas vos droits à réparation. La loi impose une indemnisation intégrale de vos préjudices : physiques, psychologiques, économiques, mais aussi ceux qui touchent directement à votre autonomie, à vos loisirs, à votre vie familiale et à votre dignité. L’enjeu n’est pas seulement financier : il s’agit de conserver le plus longtemps possible la qualité de vie que vous aviez construite.

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Les spécificités d’un accident chez un retraité

L’accident d’un retraité ne se vit pas comme celui d’un salarié ou d’un indépendant. Un actif s’inquiète surtout de sa reprise de travail, de la peur de perdre son emploi ou de voir sa carrière freinée. Le retraité, lui, voit se fissurer son projet de vie : voyages prévus, activités associatives, sportives, garde des petits enfants, vie de couple, tout peut basculer du jour au lendemain.

La première spécificité, c’est la dépendance. Une fracture, un traumatisme crânien, une opération invalidante peuvent rendre plus difficile la marche, la montée des escaliers, la toilette, la préparation des repas, la conduite. Un retraité qui circulait librement se retrouve à demander de l’aide pour chaque déplacement, pour les courses, pour se rendre aux consultations. La perte d’autonomie peut être brutale, et parfois définitive.

La seconde spécificité, c’est l’impact psychologique. Après un accident, beaucoup de retraités développent une peur de tomber, une anxiété à l’idée de sortir seuls, un sentiment de fragilité permanente. Certains réduisent drastiquement leurs sorties, abandonnent leurs activités de loisirs ou leurs engagements associatifs. D’autres ont le sentiment de devenir un « poids » pour leurs proches, ce qui aggrave le mal être, voire favorise un état dépressif.

Enfin, le contexte familial joue un rôle majeur. Il n’est pas rare que les enfants ou le conjoint réorganisent toute leur vie pour compenser les déficits : trajets supplémentaires, congés pris pour accompagner, présence plus fréquente au domicile. Cette solidarité est précieuse, mais elle ne doit pas conduire à invisibiliser les besoins réels d’aide humaine dans le cadre de l’indemnisation.

Les postes de préjudice centraux pour un retraité

Chez un retraité, les postes de préjudice à défendre ne sont pas exactement les mêmes que pour un actif, et surtout ils ne s’apprécient pas de la même manière. L’idée centrale est la suivante : ce que vous perdez, ce n’est pas un salaire, mais une qualité de vie.

Le déficit fonctionnel permanent (DFP)

Le déficit fonctionnel permanent décrit l’atteinte durable à votre intégrité physique et psychique. Ce n’est pas seulement un taux sur un barème : c’est tout ce qui, au quotidien, est devenu difficile ou impossible. Marcher plus de quelques minutes, porter des charges, rester debout longtemps, dormir sans douleur, se concentrer, organiser ses tâches… Pour un retraité, chaque limitation se traduit directement par une restriction d’autonomie.

Il est essentiel de faire décrire précisément ces difficultés lors de l’expertise médicale : besoin d’aide pour la toilette, l’habillage, la cuisine, le ménage, la gestion administrative, impossibilité de conduire, difficulté à utiliser les transports. Plus la réalité de votre vie quotidienne est documentée, plus le DFP sera correctement évalué.

Les souffrances endurées

Les souffrances endurées recouvrent les douleurs physiques et morales que vous avez subies entre l’accident et la consolidation : douleurs aiguës, interventions chirurgicales, hospitalisations, rééducations, traitements lourds, mais aussi angoisse, troubles du sommeil, perte de moral. Même à la retraite, ces souffrances ne sont pas « normales » ni « inévitables » : elles doivent être reconnues et indemnisées à leur juste niveau.

Là encore, il est utile de conserver tous les comptes rendus médicaux, ordonnances, comptes rendus d’hospitalisation, ainsi que de noter, au fil des semaines, l’intensité des douleurs et l’impact sur votre vie.

Le préjudice d’agrément

Le préjudice d’agrément concerne la perte ou la réduction de vos loisirs et activités de plaisir. À la retraite, ce poste est particulièrement important : clubs de sport ou de marche, jardinage, voyages, pêche, bricolage, activités associatives, chorale, danse, sorties culturelles, tout cela prend une place centrale dans la vie du retraité.

Lorsqu’un accident vous empêche de continuer ces activités, ou vous oblige à les limiter fortement, la réparation doit en tenir compte. Il est utile de décrire concrètement ce que vous faisiez avant, à quel rythme, avec qui, et ce que vous pouvez (ou ne pouvez plus) faire depuis l’accident. Des attestations de proches, de partenaires de club ou d’association peuvent être très utiles.

Les autres préjudices personnels

Même à la retraite, le préjudice sexuel, le préjudice d’établissement ou le retentissement sur la vie de couple restent indemnisables. La perte ou la diminution de la vie intime, la difficulté à construire ou poursuivre un projet de vie en couple, les tensions familiales liées à la dépendance ou à la douleur sont des réalités que l’expertise doit prendre en compte.

La vieillesse ne fait pas disparaître la vie affective et relationnelle. Il est donc important de ne pas autocensurer ces aspects face aux médecins ou à l’assureur, souvent par pudeur ou par gêne.

Les frais de santé futurs, aménagements et aides techniques

Un accident peut rendre nécessaire l’adaptation du logement : remplacement d’une baignoire par une douche à l’italienne, pose de barres d’appui, installation d’un siège de douche, élargissement de portes, adaptation des escaliers, lit médicalisé. Des aides techniques (cannes, déambulateur, fauteuil roulant, scooter électrique, siège élévateur) peuvent aussi s’avérer indispensables.

Ces frais futurs doivent être anticipés et évalués, car ils pèsent lourdement sur le budget d’un retraité. Il en va de même pour les frais de santé à venir : séances de kinésithérapie, consultations spécialisées, médicaments au long cours, dispositifs médicaux.

L’aide humaine

L’aide humaine est un poste central pour les retraités accidentés. Elle peut être :

  • Rémunérée, lorsque vous faites appel à une aide à domicile, une auxiliaire de vie, un service de soins infirmiers.
  • Non rémunérée, lorsqu’elle est assurée par le conjoint, les enfants, des proches qui consacrent du temps et de l’énergie à compenser vos difficultés.

Dans les deux cas, cette aide a une valeur économique et doit être prise en compte. Il est fréquent que les familles minimisent leur implication, par solidarité ou par pudeur. Pourtant, ces heures d’aide auraient, sans l’accident, été consacrées à autre chose, et représentent un coût réel qu’il est légitime de faire indemniser.

Retraite et indemnisation : ce que l’on oublie souvent

Le mot « retraite » fait souvent croire que la question des revenus est réglée. C’est faux. Un accident peut affecter directement ou indirectement le niveau de ressources d’un retraité, que la retraite soit déjà liquidée ou non.

Accident survenu avant la liquidation de la retraite

Lorsqu’un accident survient quelques mois ou quelques années avant la retraite, il peut empêcher de poursuivre l’activité jusqu’à la date prévue. Dans ce cas, il faut envisager :

  • Les pertes de gains professionnels jusqu’à la retraite, si la victime est contrainte d’arrêter prématurément son activité.

  • L’incidence sur les droits à retraite : trimestres non validés, diminution du salaire de référence ou des points de retraite complémentaire, perte de possibilité de travailler plus longtemps pour améliorer la pension.

Ces éléments doivent être étudiés au cas par cas, avec l’aide d’un avocat et, si nécessaire, d’un expert comptable ou d’un spécialiste des droits à la retraite.

Accident survenu après la liquidation de la retraite

Même lorsque la pension est déjà liquidée, certains retraités exercent des activités rémunérées : cumul emploi retraite, micro entreprise, missions ponctuelles, garde d’enfants, cours particuliers, etc. Un accident peut rendre ces activités impossibles ou beaucoup plus difficiles.

L’assureur a tendance à minimiser cet aspect, en considérant qu’il s’agit de « petits compléments ». Mais pour un retraité, ces revenus peuvent représenter une part significative du budget, ou permettre de financer des loisirs, des voyages, des aides à la famille. Ils doivent donc être identifiés et chiffrés.

Passage de la pension d’invalidité à la retraite

Certaines personnes arrivent à la retraite après une période d’invalidité liée à un accident ou à une maladie. La pension d’invalidité est alors remplacée par une pension de retraite, parfois moins favorable. Il faut vérifier que l’indemnisation du préjudice professionnel (pertes de gains professionnels et incidence professionnelle) a correctement couvert la période avant la retraite, et que le passage en retraite ne conduit pas à une double perte.

Là encore, l’analyse juridique et chiffrée est délicate. Un accompagnement spécialisé est souvent nécessaire pour éviter que la victime ne passe à côté d’un préjudice indemnisable.

Parcours type d’un retraité accidenté face à l’assurance

Pour un retraité, le parcours d’indemnisation suit globalement les mêmes étapes que pour tout autre victime, mais avec des pièges spécifiques.

1. L’accident et la prise en charge initiale

Après l’accident (chute, accident de la route, accident médical…), l’urgence est la prise en charge médicale. Très vite, pourtant, se pose la question de la déclaration à l’assureur : assurance du responsable, assurance personnelle, organisme social, etc. Il est important de faire constater l’accident, de recueillir les témoignages, de conserver les documents.

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2. La consolidation médicale et l’expertise

Une fois l’état stabilisé, un médecin fixe la date de consolidation médicale : ce moment où l’on considère que les séquelles sont stabilisées, même si des améliorations restent possibles. C’est généralement à cette étape qu’une expertise médicale est proposée, souvent à l’initiative de l’assureur.

L’expert mandaté par la compagnie n’est pas votre médecin. Son rôle est de décrire les lésions, les séquelles, leurs conséquences, et d’attribuer des taux et des postes de préjudice. Sans accompagnement, beaucoup de retraités sous évaluent leurs difficultés, par modestie, par peur de déranger, ou parce qu’ils considèrent qu’« à leur âge, il est normal d’avoir mal ». Cela conduit à des rapports d’expertise incomplets.

3. La première offre d’indemnisation

Sur la base du rapport d’expertise, l’assureur formule une offre. Pour les retraités, il est fréquent que l’assureur explique qu’il n’y a pas de perte de salaire ni de préjudice professionnel, et propose une indemnisation centrée sur le seul déficit fonctionnel permanent et les souffrances endurées, avec des montants souvent insuffisants au regard de la réalité vécue.

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Une offre d’indemnisation n’est jamais une fatalité. C’est une proposition, négociable, qui peut être contestée, soit de manière amiable, soit devant le juge. Accepter trop vite, c’est renoncer à toute action ultérieure, même si vous découvrez plus tard que l’indemnisation est très inférieure à ce que vous auriez pu obtenir.

4. La négociation et, si nécessaire, le recours au juge

Avec l’aide d’un avocat en dommage corporel, il est possible :

Pour un retraité, la perspective d’une procédure peut faire peur. Mais il ne s’agit pas de « partir en guerre », plutôt de s’assurer que les décisions seront prises dans un cadre contradictoire, où votre voix est entendue, et où les arguments juridiques sont examinés avec sérieux.

Conseils pratiques pour les retraités et leurs proches

Quelques réflexes simples peuvent faire une grande différence dans le montant final de l’indemnisation.

Ce qu’il faut faire dans les jours qui suivent l’accident

  • Consulter rapidement, expliquer clairement les douleurs et difficultés, même si elles semblent « supportables ».
  • Demander et conserver tous les comptes rendus médicaux, radios, scanners, ordonnances, arrêts de travail.
  • Noter les circonstances de l’accident, les témoins, les éventuels constats ou rapports (police, gendarmerie, magasin, etc.).

Bien préparer l’expertise médicale

Avant l’expertise, il est très utile de :

  • Tenir une liste des gestes devenus difficiles ou impossibles (se lever, se laver, s’habiller, cuisiner, faire le ménage, sortir seul, conduire).
  • Noter la fréquence et l’intensité des douleurs, les troubles du sommeil, la fatigue, les angoisses.
  • Rassembler des attestations de proches qui décrivent, concrètement, ce qui a changé dans votre quotidien depuis l’accident.

Le jour de l’expertise, il ne faut ni exagérer ni minimiser. Il s’agit de décrire fidèlement la réalité, sans banaliser ce qui complique réellement votre vie.

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Les erreurs à éviter

Pourquoi se faire accompagner par un avocat dédié aux victimes retraitées

L’indemnisation d’un retraité accidenté obéit aux mêmes principes que celle de toute victime : réparation intégrale, sans perte ni profit. Mais dans la pratique, les dossiers de retraités nécessitent une attention particulière.

Un avocat dédié à l’indemnisation des victimes :

  • Analyse votre situation dans sa globalité : âge, type d’accident, état de santé antérieur, mode de vie avant l’accident, projet de retraite, famille, ressources.

  • Travaille en lien avec des médecins conseils de victimes, des ergothérapeutes et, si nécessaire, des experts en adaptation de logement, pour documenter vos besoins en aide humaine, en aménagements et en aides techniques.

  • Maîtrise les mécanismes d’indemnisation des pertes de revenus et des incidences sur la retraite, ainsi que les barèmes de capitalisation utilisés pour chiffrer les préjudices futurs.

  • Assure la stratégie de négociation avec l’assureur et, si besoin, la défense de vos intérêts devant le tribunal, en veillant à ce que chaque poste de préjudice soit examiné et indemnisé.

Pour un retraité, l’indemnisation ne se résume jamais à un chiffre abstrait. C’est ce qui permet de financer une aide à domicile, d’adapter son logement pour continuer à vivre chez soi, de maintenir des activités de loisirs, d’éviter une charge trop lourde pour le conjoint ou les enfants. Refuser une indemnisation symbolique, c’est défendre sa dignité et ses conditions de vie pour les années à venir.

Si vous êtes retraité et victime d’un accident, ou si vous accompagnez un parent retraité accidenté, il est possible de faire analyser votre situation, les offres reçues et les perspectives d’amélioration de l’indemnisation. Un regard extérieur, expérimenté, permet souvent de révéler des préjudices non pris en compte et d’éviter de laisser des droits importants de côté.

Foire Aux Questions (FAQ) 

À partir de quel âge suis-je considéré comme un senior pour l'indemnisation ?

Il n'y a pas de seuil d'âge légal. Cependant, les problématiques spécifiques aux retraités commencent généralement à se poser après 60-65 ans, lorsque la personne n'exerce plus d'activité professionnelle régulière. L'important n'est pas votre âge en soi, mais la situation concrète dans laquelle vous vous trouviez avant l'accident et celle dans laquelle l'accident vous a placé.

Puis-je être indemnisé même si j'avais déjà des problèmes de santé avant l'accident ?

Absolument. Le principe de la réparation intégrale implique que vous soyez replacé dans la situation qui aurait été la vôtre sans l'accident. Si vous viviez de façon autonome avec votre arthrose ou votre diabète, le fait que l'accident ait créé de nouvelles limitations doit être pleinement indemnisé. Seules les séquelles directement et exclusivement liées à l'accident sont indemnisables, mais l'accident peut avoir aggravé vos pathologies préexistantes, et cette aggravation doit être réparée.

Bon à savoir : L'état antérieur : ses conséquences sur l'indemnisation

L'assureur peut-il refuser de m'indemniser sous prétexte que je suis trop âgé ?

Non. Votre âge ne peut pas être un motif de refus d'indemnisation. La jurisprudence est constante : le principe de réparation intégrale s'applique quel que soit l'âge de la victime. Si l'assureur tente de jouer cette carte, c'est parfaitement illégal et votre avocat le remettra rapidement à sa place.

Que faire si l'assurance ne répond plus après ma déclaration d'accident ?

C'est malheureusement une tactique fréquente : l'assureur fait traîner, ne répond pas aux courriers, repousse sans cesse les expertises. Face à cette inertie volontaire, contactez immédiatement un avocat. Il mettra l'assureur en demeure de respecter ses obligations légales et, si nécessaire, saisira les juridictions compétentes pour débloquer la situation.

Mon conjoint peut-il être indemnisé lui aussi ?

Oui. Votre conjoint, vos enfants, vos proches peuvent être indemnisés en tant que victimes par ricochet s'ils subissent un préjudice personnel du fait de votre accident. Préjudice d'affection si votre pronostic vital a été engagé, préjudice d'accompagnement si votre conjoint doit vous assister quotidiennement, troubles dans les conditions d'existence si votre accident bouleverse la vie familiale : tous ces préjudices des proches doivent être réparés.

Bibliographie et Sources

Jurisprudence de référence :

  • Cour de cassation, 2e chambre civile, arrêts de principe sur l'indemnisation des victimes âgées et le refus de la discrimination par l'âge
  • Cours d'appel de Paris, Douai, Lyon : jurisprudences constantes sur l'évaluation du préjudice des seniors

Études et rapports médicaux :

  • Études épidémiologiques sur les conséquences spécifiques des traumatismes chez les personnes âgées (HAS - Haute Autorité de Santé)
  • Rapports de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie sur l'impact des accidents corporels sur l'autonomie des seniors

Sources professionnelles :

  • Études statistiques sur les pratiques des compagnies d'assurance en matière d'offres d'indemnisation aux seniors

Me Joëlle Marteau-Péretié
Avocate en droit du dommage corporel
Cabinet à Lille et Paris
Téléphone : 06 84 28 25 95
Site : https://jmp-avocat-indemnisation.fr/

Spécialisée depuis plus de 20 ans dans la défense des victimes d'accidents corporels, Me Marteau-Péretié met son expertise au service d'une indemnisation juste et complète, particulièrement pour les seniors dont les droits sont trop souvent bafoués par les compagnies d'assurance.