Pour une meilleure défense des motards victimes de la route
Négligés sur la route, victimes trop fréquentes d'accidents graves (l'indemnisation d’un accident de moto ou de deux roues se révèle le plus souvent insuffisante), les motards se sentent très largement incompris. Au point de n'avoir plus qu'à se serrer les coudes, comme en témoignent leurs nombreuses et très énergiques associations partout en France. Le constat est sans appel : Que ce soit du côté du législateur, de celui des compagnies d'assurance et des autres usagers de la route, les efforts consentis pour mieux prendre en compte la sécurité des motards demeurent insuffisants. Explications.
La conscience omniprésente du risque d'accident
L'accident de moto, dans l'esprit des motards, ce n'est pas uniquement un événement douloureux surgissant trop souvent sur nos routes, c'est aussi une notion, une pensée, une conscience constante du danger que les motards acceptent, avec lesquels ils choisissent de vivre de façon éclairée. Comme l'explique très bien Fabien Lecoutre, la communauté des motards se soude en partie sur cette conscience commune du risque omniprésent de l'accident. Tous les motards ont en partage cette vulnérabilité face aux camions et aux automobiles avec lesquels ils partagent la route. Tous partagent cette hantise de la chute et du choc, de leurs conséquences physiques pour eux-mêmes et leur entourage. Ils ont en partage les risques de leur passion et leur acceptation dans une large mesure. D'ailleurs, peu de motards expérimentés n'ont pas, au moins une fois, chuté avec, selon les cas : écorchures, brûlures, contusions, fractures…
La coexistence dangereuse des motos avec les autres véhicules
« On pilote une moto. On conduit une voiture », entend-on parfois de la bouche de certains motards. Si cette distinction demeure discutable (le pilotage relevant plutôt de la conduite sur circuit, quel que soit le véhicule), elle traduit néanmoins un état de vigilance et de présence sur la route sensiblement différent entre motards et automobilistes. On s'endort moins facilement sur une moto, c'est incontestable. On ne téléphone pas en roulant. On ne consulte pas son portable entre deux ronds-points... La concentration du motard est plus grande par nécessité.
S'ajoute à la liste des différences (auto / moto) la moindre visibilité des automobilistes et conducteurs poids lourds du fait des nombreux angles morts propres à leur véhicule. Il suffit en outre de rouler quelques instants sur une autoroute pour constater combien il est courant chez nombre d'automobilistes :
- De ne pas actionner simplement leur clignotant chaque fois qu'ils changent de file ou se rabattent.
- De ne pas effectuer tous les contrôles visuels, en consultant leurs 3 rétroviseurs lors des changements de files.
Autant de comportements accidentogènes responsables d'environ 7 accidents de moto (avec dommages corporels) sur 10 et qui soulignent globalement l'absence ou l'insuffisance de prise en compte par les quatre roues des deux-roues motorisées sur la route. Si l'on considère enfin la vulnérabilité du corps du motard au choc et à la chute (à plus de 100 km/h, une chute sur deux à moto s'avère mortelle), on comprend mieux que le risque de mortalité soit environ 20 fois plus élevé à moto qu'en voiture.
7 chiffres qui parlent sur les accidents de moto
Soyons clairs, les chiffres en matière d'accidentologie motarde font froid dans le dos :
- Les motocyclistes représentent près de 20% des personnes tuées sur les routes de France alors qu'ils ne pèsent que pour 2% du trafic.
- 95% des personnes perdant la vie dans un accident de moto sont des hommes.
- 35% des accidents de moto ont lieu sans implication d'un tiers, le motard se blessant donc seul.
- A l'instar des conducteurs de voiture, 20% des motards tués sur la route présentent un taux d’alcoolémie supérieur à 0,5 gramme par litre de sang.
- La moitié des femmes trouvant la mort en moto sont passagères.
- 2 accidents mortels sur 3 surviennent durant la journée et sur routes de campagne, ce qui atteste d'une plus grande dangerosité de la conduite sur le réseau secondaire.
- Plus de 80% des motards mortellement touchés sont au guidon de cylindrées supérieures 125 cm3.
Ces seuls chiffres attestent de la spécificité des risques encourus par les motos et devraient nous conduire à réfléchir à la mise en place de dispositifs assuranciels et juridiques profilés.
Les pathologies souvent associées aux accidents de moto
Atteinte du plexus brachial, traumatismes crâniens avec lésions cérébrales, paraplégie, tétraplégie... Ces pathologies lourdes ne sont pas étrangères à la vulnérabilité d'un corps non protégé par un habitacle, propulsé à vive allure, et qui ne peut compter que sur des protections relatives pour limiter l'importance des chocs et des blessures.
On sait que dès lors que le corps du motard est éjecté de son engin lors de la collision, les risques de lésions sévères augmentent significativement. La tête, les bras, la poitrine, l'abdomen ainsi que le bassin sont alors susceptibles de frapper un élément fixe : un autre véhicule, un arbre, un poteau, le bitume, un rail de sécurité...
- A l'occasion d'un choc frontal, il est courant que le motard heurte son guidon avec la tête ou le thorax, ce qui génère dans nombre de cas un polytraumatisme.
- Dans l'hypothèse d'un choc transversal, le motard se retrouve écrasé entre la moto et l'objet qu'il vient frapper. L'accident est alors générateur de blessures importantes au niveau des membres et de l'abdomen.
- Les atteintes de la colonne vertébrale, si elles sont rarement mortelles se révèlent souvent très lourdes de conséquences sur la mobilité de la victime.
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C'est très souvent du fait d'un traumatisme crânien, de l'abdomen ou du thorax que le motard accidenté décède.
Ces régions du corps abritent la plupart des organes vitaux faiblement protégés lors de l'impact.
>>> En savoir plus sur le traumatisme crânien ou l'avocat en traumatisme crânien.
Les plus graves accidents de moto donnent lieu principalement à deux types d'atteintes :
- Les lésions cérébrales : traumatismes crâniens de gravités diverses.
- Les lésions médullaires : entraînant des paralysies partielles du corps (paraplégie, tétraplégie...).
Lorsque la moelle épinière est touchée (lésion médullaire), le cerveau n'interagit plus normalement avec le corps. Le lien entre les deux est ainsi coupé. Il en résulte une paralysie partielle ou totale des membres ou du tronc, paralysie variable en nature et en intensité suivant la localisation de l'atteinte vertébrale : paraplégie pour les lésions médullaires basses ; tétraplégie pour les lésions qui touchent les vertèbres cervicales...
Les conséquences de tels traumatismes ne se limitent pas à la motricité : La paraplégie s'accompagne d'une incontinence sphinctérienne, et chez l'homme d'une impuissance, conséquences d'autant plus lourdes qu'elles surviennent chez des sujets souvent jeunes. On peine même à trouver les mots pour qualifier l'ampleur de tels drames...
Pour les motards, une inégalité de protection devant l'accident et ses conséquences
La Loi Badinter de 1985 encadrant et accélérant l'indemnisation des usagers de la route privilégie certaines catégories d'accidentés en ne soumettant pour ainsi dire à aucune condition la réparation de leurs dommages :
Les enfants, les personnes de plus de 76 ans, les passagers, les piétons et cyclistes.
Cette protection juridique accentuée tient
à la vulnérabilité particulière de ces usagers sur la voie publique> qui les désigne en tant que victimes « pures », victimes de fait. Les motards, pourtant particulièrement exposés aux dommages corporels eux aussi, ne bénéficient pas de ces dispositions protectrices.
Leur sort en matière de réparation de préjudices corporels est aligné sur celui des automobilistes, des conducteurs poids lourd
et plus généralement des autres conducteurs de véhicules terrestres à moteur. C'est un point qui semble pour le moins contestable au regard de la forte dissymétrie des dangers et des conséquences entre les deux-roues motorisés d'un côté, et les automobiles et camions de l'autre.
A titre d'exemple, il n'est pas rare qu'un motard, pour éviter une collision avec une automobile, collision possiblement létale pour lui, dérape, chute, et se blesse grièvement en perdant finalement le contrôle de son véhicule.
L'accident est, dans ce cas précis, lié à une manœuvre d'évitement.
L'implication d'un tiers ne sera alors pas toujours aisée à démontrer et ni à faire valoir, même si le Juge de Cassation l'a récemment réaffirmé (Arrêt n°573 du 18 avril 2019 (18-14.948) – Cour de cassation - Deuxième chambre civile) : nul besoin d’un contact entre deux véhicules terrestres à moteur (VTAM) pour que l’un soit impliqué dans l’accident subi par l’autre.
*** « Attendu qu’est impliqué tout véhicule qui est intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de l’accident » ***
JMP AVOCAT INDEMNISATION a pu défendre la veuve d'un motard mortellement blessé pour avoir cherché à éviter un faisan sur une petite route départementale du Pas-de-Calais. La victime directe, en contournant l'animal, finit sa course mortelle contre une voiture arrivant en face. Ce réflexe d'évitement de l'animal parfaitement compréhensible (au regard du danger accru d'une collision entre une moto et un animal sauvage) sera pourtant assimilé à une perte de contrôle du véhicule et par conséquent à une faute du motard, faute le privant aux yeux de la loi du statut de victime et donc du droit à l'indemnisation. Notons qu'il en aurait été autrement en cas de collision avec le même animal, le Fonds de garantie consentant à indemniser les accidents liés à un choc avec un animal sauvage (c'est-à-dire un animal n'ayant pas de propriétaire).
Ces exemples parmi d'autres révèlent un « angle mort » de la Loi Badinter vis-à-vis des 2 roues motorisés , à la fois plus vulnérables sur la route face aux automobiles, et juridiquement beaucoup moins protégés que ne le sont les piétons, cyclistes ou passagers...
Des contrats d'assurance encore trop ambigus
Au regard de leur surexposition aux risques d'accidents, la souscription d'une garantie conducteur – couvrant les dommages corporels que les motards s'infligent à eux-mêmes – est une absolue nécessité dont les pratiquants tiennent désormais compte, pour la grosse majorité d'entre-eux
Attention néanmoins ! Une attention particulière doit être portée sur les garanties proposées par l'assurance. Généralement le contrat prévoit en effet une prise en charge des dépenses de santé actuelles et le règlement d'un capital à partir d'un taux de DFP (Déficit fonctionnel permanent) de 10%. Bien souvent l'expert médical de la compagnie d'assurance octroiera un DFP de 8% ou 9%, ce qui exclut donc plus ou moins intentionnellement toute indemnisation. Il est donc préférable de choisir une garantie de prise en charge du DFP largement inférieure à ce taux de 10% (5% par exemple).
Il faut savoir également que la compagnie d'assurance propose couramment au motard accidenté – si il rentre dans les conditions de prise en charge – un capital au titre de l'indemnisation des préjudices estimé sur les bases du barème très désavantageux de le Sécurité Sociale. Ce capital ne correspond pas au montant dû à la victime au regard des montants établis par les magistrats. Il faut en effet exiger une indemnisation sur la base des données BCRIV (Barème de capitalisation de référence pour l'indemnisation des victimes), significativement plus favorables et objectives
A retenir : Quand les anciens contrats font encore référence à l'ITT et non au DFP, la compagnie d'assurance raisonne sur le barème d'indemnisation de la sécurité sociale largement désavantageux.
Il importe donc, on ne le soulignera jamais assez, que nos amis motards prennent bien le temps de lire le contrat d'assurance qui leur est proposé avant toute souscription.
Vers une meilleure prise en compte de la conduite en moto
En Conclusion :
Du législateur, des compagnies d'assurance, des autres usagers de la route, de la société dans son ensemble une mobilisation réelle s'impose. L'amélioration du sort des motards sur la route passe par une meilleure prise en compte des pouvoirs publics de leur surexposition aux risques d'accidents corporels. Les aménagements des infrastructures routières, du Code de la route et des dispositions légales en matière d'indemnisation demeurent actuellement très en-deçà du nécessaire.
Les compagnies d'assurance elles aussi ont des progrès à faire en matière de lisibilité des contrats et de réparation des préjudices corporels.
A nous tous enfin d'être plus vigilants sur la route, en respectant davantage les motards et les deux roues plus généralement. Il est temps de changer notre regard sur les deux roues motorisées.
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