Loi Badinter et l’indemnisation des victimes d’accidents de la route
La loi Badinter de 1985 a été conçue pour garantir les droits des victimes et leur assurer la réparation - ou indemnisation - intégrale de leurs préjudices corporels. Rappelons que cette loi s'applique aux seuls accidents de la circulation (à l'exclusion des infractions volontaires), accidents impliquant un véhicule terrestre à moteur. Rappelons encore que l'implication d'un véhicule terrestre à moteur ne signifie pas qu'il soit nécessairement entré en collision avec la victime. En effet si l'accident a été causé par une tache du huile, une pièce de véhicule (tel un pneu ou un pare-choc) qui se trouvaient sur la route et ayant provoqué l'accident, alors la victime est en position de bénéficier d'une indemnisation prévue par les dispositions de la loi Badinter.
Dès lors qu'un accident relève de la loi Badinter, son indemnisation relève possiblement de deux organismes : l'assurance obligatoire, et le fonds de garantie.
À lire : Qu'est-ce que la loi Badinter ?
L'indemnisation des victimes d'accidents pris en charge par la compagnie d'assurance du véhicule responsable
La loi Badinter vise à accélérer l'offre de dommages et intérêts faite aux victimes
La durée du règlement des sinistres constitue l'un des principaux griefs formulés par les accidentés eux-mêmes. On peut les comprendre, certains dossiers mettant effectivement des années pour aboutir à une transaction finale. La loi Badinter a tout de même permis une amélioration en la matière :
- Les procès-verbaux d'accidents de la circulation (Trans-P.V.) sont désormais transmis directement des forces de police ou de gendarmerie aux compagnies d'assurances concernées.
- Par ailleurs, l'octroi de provisions dans le cas d'accidents majeurs permet à la victime et à sa famille de faire face aux difficultés financières directement consécutives au traumatisme.
Néanmoins, la règle reste la suivante : plus le dommage corporel est important, plus la consolidation est lente, et plus l'indemnisation définitive (l'obtention de dommages et intérêts) est tardive.
Cela tient au fait que l'offre d'indemnisation ne peut intervenir avant que la date de consolidation de l'état de santé de la victime. Par « consolidation », il faut entendre la date à laquelle on considère que les lésions sont stables, qu'elles ne peuvent donc plus évoluer. Dans les cas d'accidents les plus graves, il n'est hélas pas rare que cela prenne plusieurs années.
Alerte ! Dans l'hypothèse d'un trauma crânien, solliciter l'expertise d'un avocat spécialisé dans le traumatisme crânien est fondamental.
Processus d'indemnisation : La loi Badinter fixe les étapes et les délais que la compagnie d'assurance doit respecter
Voici ce qu'il faut retenir :
La date de l'accident
Elle est établie par le procès-verbal de police ou de gendarmerie (Trans P.V.) et par le certificat médical initial qui fait d'une certaine façon office de constat. Le premier médecin en charge d'examiner la victime mentionne la date de l'accident dans son rapport d'examen médical.
La date de l'offre d'indemnisation provisionnelle
La compagnie d'assurance dispose de 8 mois après la date du sinistre ou de 3 mois suivant la demande de la victime de dommages et intérêts pour formuler et présenter une offre d'indemnisation provisionnelle. Les provisions accordées par l'assurance ont vocation à couvrir les dépenses prioritaires auxquelles doit faire face la victime et ses proches (éventuelles victimes par ricochets).
Bien évidemment, cette offre n'est pas définitive. La provision est déductible du montant de l'indemnisation définitive.
Dans l'hypothèse où la compagnie d'assurance ne respecte pas ces délais légaux, la victime sera en position d'exiger des dommages et intérêts calculés au double du taux de l'intérêt légal.
Remarques :
- L'intérêt légal correspond à une somme d'argent due par la compagnie d'assurance (ou le fonds de garantie) en cas de retard de règlement.
- Le taux de l'intérêt légal est lui fixé chaque semestre par arrêté ministériel.
La date de consolidation de l'état de santé de la victime
la date de stabilisation des blessures autrement appelée « consolidation » est une date essentielle dans la procédure. Il s'agit de la date à partir de laquelle l'état de santé de la victime n'évolue plus. Cette date charnière constitue la frontière avant laquelle les préjudices seront dits temporaires, et après laquelle les préjudices seront jugés définitifs.
La date de l'offre d'indemnisation définitive octroyée par la compagnie d'assurance
La compagnie d'assurance dispose de 5 mois à partir de la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de l'état de santé de la victime pour lui adresser une offre d'indemnisation définitive. Ici encore, la loi Badinter stipule que le non-respect de ces délais ouvre droit à des dommages et intérêts au double du taux de l'intérêt légal.
Le droit de revenir sur sa décision
Remarque importante : dans l'hypothèse où la victime signe l'offre d'indemnisation de la compagnie d'assurance, elle ne disposera que de 15 jours pour revenir sur sa décision et dénoncer la transaction par un courrier envoyé en recommandé avec accusé de réception. C'est peu... Dans certains cas, quand la victime a laissé passer ce délai de 15 jours, il est encore possible d'agir. En effet, nombre de contrats incluent une clause stipulant que la victime abandonne son droit de dénonciation. Or, une telle clause est tout simplement illégale. Si elle figure toutefois dans le protocole transactionnel, alors il sera permis de le dénoncer au-delà du délai de 15 jours.
Ne pas se précipiter pour signer une offre transactionnelle
En tout état de cause, nous ne saurions que recommander de ne jamais signer une première offre d'indemnisation avant un examen attentif de celle-ci par un avocat expert en accident de la route ou un professionnel aguerri de la réparation des préjudices corporels. L'écart couramment constaté entre la première offre de la compagnie d'assurance est celle qu'un avocat en droit du dommage corporel est susceptible d'obtenir se révèle souvent spectaculaire : doublement des montants indemnitaires, triplement ou même davantage plus parfois... La règle étant que plus l'accident est grave plus il est minoré.
L'hypothèse de l'aggravation
Au-delà du délai de 15 jours pour dénoncer une transaction, il reste la possibilité de faire valoir une aggravation de l'état de santé pour solliciter une nouvelle indemnisation. S'en remettre alors à votre avocat.
La date du versement de l'indemnisation à la victime
La compagnie d'assurance dispose légalement de 3 mois après l'expiration du délai de dénonciation (délai de15 jours après signature, donc) pour procéder au paiement du solde de l'indemnisation.
La loi Badinter et l'expertise médicale préalable pour établir les préjudices et leur ampleur
L'importance de l'expertise médicale
Les articles R. 211–43 et R. 211–44 C. assur. précisent les modalités de l'expertise médicale (ou examen médical) diligentée par la compagnie d'assurance, celle-ci étant concrètement conduite par l'un de ses médecins-conseils. Il s'agit là encore d'une étape cruciale pour l'avenir de la victime. La victime doit être convoquée au moins 15 jours à l'avance et doit être avisée :
- de l'identité et des titres du médecin choisi par l'assurance;
- de la date et du lieu de l'examen;
- du nom de la compagnie d'assurance pour le compte de laquelle l'expertise est faite.
Charge encore à la compagnie d'assurance d'informer l'accidenté qu'il est en droit de se faire assister d'un médecin de son choix (un médecin de victimes) qui fasse contrepoids au médecin de la compagnie d'assurance.
C'est sur la base de ce rapport d'expertise médicale que les préjudice de la victime pourront être évalués en euros.
Expertise médicale amiable ou judiciaire
Attention : il convient de ne pas confondre l'expertise médicale amiable (expertise assurance) avec l'expertise médicale judiciaire. En effet, l'expertise médicale amiable est menée par un médecin de la compagnie d'assurance tandis que l'expertise judiciaire est une expertise ordonnée par un juge qui désigne un médecin expert inscrit sur la liste des experts figurant dans le ressort de chaque Cour d'Appel.
L'expertise judiciaire se justifie lorsque la victime et l'assureur ne parviennent pas à trouver un accord sur le montant de l'indemnisation. Elle est en quelque sorte un arbitrage puisque cette expertise judiciaire garantit l'impartialité des conclusions rendues par le médecin en charge l'expertise, médecin non inféodé à une compagnie d'assurance.
L'absence d'expertise médicale
Quand la compagnie d'assurance considère que les dommages de la victime ne sont pas suffisamment graves, elle pourra demander à un médecin de rédiger un rapport sur pièces à partir des documents qui lui auront été communiqués. Cela signifie que l'assureur ne juge pas opportun de diligenter une expertise médicale au regard des dommages dont elle a pris connaissance.
À lire : L'expertise médicale des accidentés.
Combien coûte une expertise médicale amiable ?
Sachez que les frais liés à l'expertise médicale amiable sont intégralement pris en charge par la compagnie d'assurance. Comme la victime est en droit de demander à un médecin de victimes de l'assister avant et pendant son expertise médicale, elle aura parfois à avancer les honoraires de son médecin-conseil mais ces derniers seront par la suite remboursés par la compagnie d'assurance.
Les dommages et intérêts via le FGAO (Fonds de garantie des assurances obligatoires)
Lorsque le responsable de l'accident de la circulation n'est pas identifié ou dans l'hypothèse où il n'est pas assuré, la victime ne peut se retourner contre une compagnie d'assurance. C'est le fonds de garantie (FGAO) qui va dans ce cas se substituer à l'assureur.
Deux hypothèses alors :
Soit le responsable de l'accident n'est pas assuré
La victime a alors un an à compter de son accident pour déposer son dossier de demande d'indemnisation au fonds de garantie.
Notons que le défaut d'assurance aura des conséquences financières significatives pour le conducteur responsable non assuré. Non seulement il ne sera pas indemnisé de ses dommages éventuels mais le fonds de garantie ne manquera pas de se tourner vers lui ensuite pour obtenir le remboursement de la totalité des dommages et intérêts versés à la victime. Ainsi n'est-il pas rare que les conducteurs responsables non assurés payent toute leur vie les dommages qu'ils ont causés...
Soit le responsable de l'accident est inconnu
La victime a alors 3 ans à compter de son accident pour solliciter le fonds de garantie. C'est très souvent le cas quand il y a eu délit de fuite. Cette situation est hélas de plus en plus courante. Il est conseillé à la victime de déposer plainte contre X et de demander au service de police ou de gendarmerie un récépissé de sa plainte. Le FGAO demande en effet le plus souvent à la victime de justifier d'une plainte pénale.
À lire : L'indemnisation par la FGAO
La possibilité de contester l'offre d'indemnisation
Une règle d'or : La victime n'a jamais intérêt à se précipiter pour signer une première offre d'indemnisation
Cette première offre n'intègre jamais l'ensemble des éléments indemnisables. En effet, les compagnies d'assurances évaluent couramment les préjudices des victimes d'accidents de la route à partir de barèmes d'indemnisation appelés aussi « référentiels » dont le principal défaut et qu'ils contreviennent aux principes de réparation intégrale et d'individualisation de la réparation des préjudices corporels.
Rappelons-le, la finalité de la loi Badinter est que « la victime doit être replacée dans l'état où elle se trouvait avant la survenance de son accident ». Cela signifie que l'ensemble des préjudices doivent être réparés : tous les préjudices, rien que les préjudices !
À lire : Les préjudices corporels.
À lire : Les recours en matière d'indemnisation des accidents de la circulation.
La situation personnelle de la victime, la liste des préjudices mentionnés dans le dossier médical, l'environnement familial, social et professionnel, le mode de vie de la victime, sont autant de paramètres personnels à prendre en compte. 2 victimes présentant des dommages identiques peuvent donc ne pas percevoir la même indemnisation.
La négociation amiable avec la compagnie d'assurance du montant de l'indemnisation est donc normale et même indiquée.
Un avocat en droit des victimes ou en droit du dommage corporel est armé pour conduire efficacement avec la compagnie d'assurance une négociation portant sur l'étendue des dommages et sur le chiffrage indemnitaire. Si au terme de la négociation, aucun accord n'est trouvé, reste la possibilité pour l'avocat de saisir un juge, pour trancher et liquider le préjudice.
À lire : Négocier son indemnisation après un accident.
2 stratégies en général se dessinent en cas de désaccord avec l'assureur
Soit solliciter une nouvelle expertise médicale judiciaire.
C'est l'option préférable dans l'hypothèse où l'expertise médicale amiable diligentée par l'assurance ne tient pas compte de l'ensemble des préjudices de la victime. L'avocat sollicite alors une expertise judiciaire visant à corriger/compléter l'expertise amiable.
Soit solliciter l'indemnisation du préjudice de la victime (c'est-à-dire la liquidation du préjudice) sur la base du rapport d'expertise médicale amiable.
À lire : Contester le rapport d'expertise.
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La loi Badinter : ses insuffisances
Si la loi Badinter a permis à un nombre plus important de victimes d'accidents de la route d'obtenir réparation (autour de 92 %) et a également permis de réduire les délais de règlement transactionnel, elle n'est cependant pas exempte de lacunes. Voici quelques points notables :
La loi Badinter octroie aux assureurs des pouvoirs considérables, notamment un pouvoir unilatéral sur la procédure transactionnelle. En pratique, la victime n'est assistée d'un avocat ou d'un médecin de victimes lors de l'examen médical qu'une fois sur dix... Elle se retrouve donc la plupart des fois seule – et donc désarmée - face au médecin de la compagnie d'assurance.
Dans plus de 40 % des cas, la victime conclut la transaction qui lui est proposée sans être conseillée, sans repères objectifs et fiables du fait de l'opacité des statistiques d'indemnisation. C'est la raison pour laquelle les professionnels de la réparation du dommage corporel militent pour l'intervention systématique d'un avocat dès lors que la I'APIPP est supérieure à 10 %.
En tout état de cause, la nécessité d'une assistance juridique et médicale de la victime dans toute la procédure d'indemnisation ne semble plus discutable, ainsi que la prise en compte de son coût dans les frais consécutifs à l'accident.
Des progrès restent à faire en matière de transparence par les compagnies d'assurances sur les statistiques d'indemnisation.
Enfin, une meilleure information des victimes par les assureurs dès les premières correspondances au sujet de leurs droits, des conditions de l'expertise médicale seraient profitables aux victimes et à une meilleure justice en matière d'indemnisation.
POUR EN SAVOIR PLUS :