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Loëlle Marteau Péretié

Interview de Maître Joëlle Marteau Péretié

Sans langue de bois, Maître Joëlle Marteau-Péretié, avocate à Lille explique les enjeux du Droit du Dommage corporel s'agissant de l'indemnisation des victimes d'accidents de la route qu'elle défend à Lille et à Paris depuis des années. Elle nous permet de comprendre pourquoi, en France, 90% des victimes d'accident ne sont pas correctement indemnisées de leurs préjudices physiques et psychologiques.

À lire : Avocat spécialisé en accidents de la route.

Pourquoi avoir choisi le Droit du dommage corporel ?

Je me consacre au droit social depuis 25 ans. C'est au travers des cas d'accidents du travail que j'ai pris conscience de l'importance des problèmes indemnitaires s'agissant de la réparation des accidentés, et aussi des conséquences de l'accident sur le devenir des victimes : devenir professionnel, familial, personnel, intime... En creusant la question j'ai découvert que 90% des accidentés ne bénéficiaient pas d'une indemnisation à la hauteur de leurs préjudices. Notamment en matière d'accidents de la route. C'est dire à quel point il y a des progrès à faire en matière d'information et de promotion du droit des victimes. Trop peu de victimes ont tout simplement conscience de ce à quoi elles peuvent prétendre, alors que la loi prévoit de nombreuses dispositions protectrices. Même les professionnels de santé, et même de très nombreux juristes ! méconnaissent le droit du dommage corporel alors qu'il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique et de justice vis-à-vis de personnes cruellement blessées dans leur chair à l'occasion d'accidents dramatiques bouleversant leur vie du jour au lendemain. Tout cela concouru à ce que je me saisisse de cette question et que je fasse de la défense des victimes d'accidents de la circulation une cause personnelle et professionnelle.

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Quel type de relation nouez-vous avec les victimes d'accident s'en remettant à vous ?

Dans la défense des victimes d'accidents, il y a une dimension psychologique encore plus importante que dans les autres domaines du droit. Une victime d'accident est fragilisée, sous le choc, en perte de repères. Elle souffre dans sa chair. Je me dois d'être avant toute chose à son écoute pour comprendre sa situation, personnelle et celle de sa famille. La relation de confiance est une condition nécessaire parce qu'on entre dans l'intimité des personnes. Il est question de souffrances physiques, de blessures intimes, des conséquences de l'accident dans toutes les dimensions de la vie quotidienne de la victime. Cela implique beaucoup de tact, d'empathie, de patience vis-à-vis de personnes très fragilisées. Ce sont des êtres en souffrance qui ont besoin de compréhension et de réassurance. L'empathie est nécessaire. Mais elle ne doit pas non plus être prédominante dans ma relation avec les victimes d'accident. Dans la mesure où les victimes ont également besoin d'un référent, d'une présence et d'une parole forte qui soit de nature à leur redonner confiance et à leur donner le cadre de référence dont elle manque.

Vous qui venez du Droit Social, quelle différence faites-vous avec la défense des victimes d'accidents ?

En matière de réparation du préjudice corporel on a affaire à des victimes psychologiquement plus abattues, spontanément moins combatives parce que diminuées et prises au dépourvu par la survenue brutale et imprévue de l'accident. Ce sont des dossiers en général moins litigieux : la réalité d'une blessure ne se conteste pas. On sait très vite ce qu'il y a à défendre et quelles sont les marges de manœuvre. Le statut de victime est moins sujet à discussion. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas se battre durement. Parce qu'il va s'agir de faire reconnaître l'ampleur des dommages et l'ampleur des préjudices, c'est-à-dire l'ensemble des conséquences de l'accident sur la vie de la victime. Sans oublier sa famille qui elle aussi voit sa vie bouleversée du jour au lendemain.

Une autre différence réside dans la durée du traitement d'un dossier de réparation du dommage corporel après un accident de la circulation. Cela prend du temps, beaucoup de temps : il s'agit d'abord d'établir les faits, de réunir tous les documents et témoignages en lien avec l'accident, puis de négocier souvent âprement avec la compagnie d'assurance, de chercher quand cela est possible un accord amiable, et quand ce n'est pas possible d'aller devant les tribunaux, parfois de faire appel d'une décision... etc... Bref, tout cela peut malheureusement prendre des années avant que la victime soit intégralement indemnisée.

Comment expliquez-vous qu'une victime d'accident de la circulation sur dix environ se trouve correctement indemnisée ?

Cela tient principalement au fait qu'une victime, naturellement, s'en remet à sa compagnie d'assurance, considérant que son assureur est son allié naturel et inconditionnel. La Loi crée un conflit d'intérêts en confiant à des assurances privées le soin d'expertiser et d'indemniser les victimes alors qu'elles ont d'abord leurs intérêts à défendre... L'intérêt de la victime et celle de la compagnie ne coïncident évidemment pas. Or, la Loi Badinter, qui fait autorité en la matière, prévoit en effet que la compagnie d'assurance de l'auteur du dommage soit tenue de faire une offre d'indemnisation rapide en direction de la victime. C'est la compagnie qui préside donc à la mise en place de l'expertise médicale, et qui évalue unilatéralement les montants indemnitaires. La victime est seule face à la compagnie et n'a souvent même pas conscience qu'elle peut contester ce qui lui est proposé. Fragilisée par l'accident elle est de toute façon en situation de faiblesse pour négocier, contester, revendiquer. La victime souffre d'être perdue, dépassée, isolée.

Concrètement, comment se règlent la plupart des litiges ?

La compagnie d'assurance fait une offre d'indemnisation, souvent au rabais, parfois scandaleusement minorée par rapport à l'ampleur des préjudices, sans détailler les postes de préjudices indemnisés. La victime accepte le plus souvent sans discuter la somme qui lui est proposée. On ne refuse pas facilement un chèque de 50 000 euros, même lorsqu'on est invalide et que l'on doit supporter cet état jusqu'à la fin de sa vie. La confiance en l'assureur, qu'on paye pour être protégé, le bénéfice à court terme que constitue l'encaissement d'un chèque tendu à la victime, tout cela explique qu'une large majorité de victimes ne soient pas correctement indemnisées.

En plus de cela, la victime n'a que 15 jours pour se rétracter. Plus de recours possible ensuite. Cela laisse place à de nombreuses dérives, dont les victimes d'accident ont à pâtir, en plus des dommages physiques et préjudices divers qu'elles ont à subir...

Est-ce à dire que les droits à réparation de la victime sont largement minorés ?

Oui ! Très largement en général. Les expertises médicales exclusivement conduites par les compagnies d'assurance souffrent de partialité. Il est très fréquent que l'expert élude des points importants de sa mission et qu'il sous-estime la situation dramatique de la victime. Beaucoup de postes de préjudices sont purement et simplement "zappés"... C'est le cas bien souvent des préjudices esthétiques, des préjudices d'agrément, c'est-à-dire des loisirs auxquels la victime doit renoncer, et surtout des besoins en tierces personnes... Les besoins en tierces personnes représentent en effet plus de 55% des besoins financiers dévolus aux grands accidentés. Autant dire que les compagnies d'assurance peuvent être tentées de négliger ce poste d'indemnisation. Il faut bien comprendre que chaque cas est unique : l'indemnisation ne peut être qu'individualisée. Or, il se trouve qu'une nomenclature existe, qui recense tous les préjudices. C'est la nomenclature Dintilhac, apparue en 2005, qui rationalise assez efficacement l'évaluation des préjudices et qui devrait guider l'expertise médicale.

Vous évoquez souvent cette nomenclature, pouvez-vous nous expliquer en quoi elle consiste ?

La nomenclature Dintilhac a été conçue dans la perspective de replacer la victime dans des conditions équivalentes à celles qui existaient avant l'accident : au plan professionnel, personnel, familial, intime...
Elle distingue pour ce faire une vingtaine de préjudices patrimoniaux ou non patrimoniaux, physiques ou psychologiques, personnels ou touchant l'entourage de la victime. C'est un outil fiable, utilisé par les tribunaux, qui permet de couvrir l'ensemble des préjudices indemnisables, sans rien oublier. On peut réellement s'appuyer sur cette nomenclature pour arriver à une évaluation réaliste des dommages et à une juste indemnisation.

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L'expertise médicale est donc une étape déterminante ?

Oui... C'est sur la base des conclusions du rapport d'expertise que l'on peut vraiment évaluer les préjudices. Après quoi l'avocat traduit ces préjudices en termes financiers. Il faut savoir que la mission de l'expert doit être au préalable définie. L'expert ne se prononce que sur les préjudices qu'on lui présente et qui sont fixés par sa mission. C'est dire l'importance de correctement documenter cette expertise et de définir - sans rien oublier - le périmètre d'investigation de l'expertise. L'avocat en droit du dommage corporel est là pour ça.
Le problème de l'expertise conduite par l'assureur est qu'elle n'est pas exempte de soupçons de partialité... Il faut savoir que le médecin en charge de l'expertise est rémunéré, on l'a vu, par la compagnie d'assurance et qu'à ce titre il peut être tenté de privilégier les intérêts de son donneur d'ordre.

Comment une victime peut-elle mettre toutes les chances de son côté à l'occasion de cette expertise ?

L'intérêt de la victime d'accident sera, dans tous les cas, de s'entourer de son propre expert pro-victime, qui fera contrepoids et pourra souligner tel ou tel dommage éludé par l'expert de l'assureur, ou contester une évaluation qu'il juge minorée. Compte tenu des conséquences financières considérables et des conséquences sur le devenir de la victime jusqu'à la fin de sa vie, cette précaution est tout simplement indispensable. Les 10% de victimes correctement indemnisées sont celles qui recourent à un avocat et à un médecin de recours indépendants. Eux seuls sont en mesure de déjouer les nombreux pièges en matière de réparation des préjudices des grands accidentés.

Y a-t-il d'autres pièges possibles vis-à-vis des compagnies d'assurance ?

Il y a de nombreux pièges en réalité, et de nombreux manquements que je constate déjà à l'occasion des expertises. Il est fréquent, par exemple, que le médecin de la compagnie n'ait pas reçu les pièces médicales que son donneur d'ordre doit impérativement lui transmettre. Or, l'expert doit statuer sur pièces ! Presque toujours, des préjudices majeurs subis par la victime tendent à être éludés : le besoin en tierce personne, les préjudices esthétiques, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice sexuel, le préjudice d'établissement... A contrario, il n'est pas rare non plus que le médecin expert de l'assurance se prononce sur des aspects qui ne relèvent pas de sa compétence, notamment en ce qui concerne l'administration du quotidien de la victime et de ses proches. Mais d'autres problèmes se posent encore avec les compagnies d'assurances : On ignore le plus souvent qu'elles s'entendent entre elles pour verser des indemnisations forfaitaires qui ne reflètent pas la singularité de chaque situation. Cela est contraire aux dispositions légales qui prévoient une individualisation de l'indemnisation des accidentés. On peut encore pointer l'absence de versement de provisions aux victimes alors que celles-ci traversent des difficultés majeures au plan économique. Ou encore l'utilisation de barèmes farfelus à leur avantage, barèmes largement désavantageux pour les victimes et qui sont d'ailleurs sensiblement inférieurs à ceux sur lesquels les juges s'appuient.

Que peut-on attendre concrètement du recours à l'avocat et au médecin-expert pro victime ?

Ces deux professionnels de la réparation des préjudices corporels sécurisent le processus d'indemnisation à toutes les étapes, de l'avant expertise jusqu'à la liquidation. Ils s'assurent tout simplement de la bonne application de la loi, qui en France est particulièrement protectrice à l'égard des victimes puisqu'elle vise à replacer ces dernières dans les conditions les plus proches possibles de ce qu'elles étaient avant l'accident : au plan familial, économique, professionnel, affectif, social ... Très concrètement, grâce à l'intervention de l'avocat, par rapport à la première offre spontanée de l'assureur, le doublement voire le triplement des montants indemnitaires n'est pas chose rare...

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